Traiter un élu local de « BALKANY » publiquement sur Facebook est une diffamation
Administrer une collectivité, c’est faire de la politique. Faire de la politique, c’est faire des choix. Les administrés en sont tantôt satisfaits et tantôt insatisfaits. Voire très insatisfaits. Au point que certains d’entre eux se lâchent sur les réseaux sociaux, franchissant parfois le Rubicon des infractions prévues et réprimées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (injure et diffamation principalement).
Les élus locaux ne font pourtant parfois que transposer au niveau local des mesures décidées au niveau national, notamment en matière d’urbanisme lorsqu’il s’agit de limiter drastiquement l’artificialisation des sols et de préserver les surfaces agricoles.
Les élus locaux sont alors à portée de baffes.
L’un d’eux s’était ainsi fait traiter de BALKANY par un internaute (qui ne réside d’ailleurs même pas sur la Commune en question).
Celui-ci n’en étant pas à son coup d’essai, le maire visé a confié le soin à mon cabinet de le faire citer devant le Tribunal Correctionnel de DOUAI du chef de diffamation envers un personne chargée d’un mandat public, fait prévu par les articles 29 alinéa 1er, 30, 23 alinéa 1er et 31 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et réprimé par les articles 30 et 31 alinéa 1er de la loi précitée du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Par jugement du 30 janvier 2024, l’internaute a été déclaré coupable de cette infraction.
Celui-ci avait notamment fait valoir en défense que la formule ne relevait, au pire, que de l’injure.
Pour rappel, l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse distingue l’injure de la diffamation dans les termes suivants : « Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure. »
La question pouvait donc éventuellement se poser de la qualification à donner à cette formule.
Or, la Cour de Cassation avait déjà en partie répondu à cette question en indiquant que le fait de dire d’une personne qu’elle est le « fils spirituel d’Hitler » relève non pas du délit d’injure mais du délit de diffamation : « attendu que l'arrêt énonce que la conjonction des trois termes de l'expression " fils spirituel d'Hitler " fait explicitement référence à une idéologie structurée, méthodique, ayant engendré le national-socialisme, que la filiation spirituelle qui est prêtée à M. X... l'érige en disciple et héritier du concepteur de la pensée nationale socialiste, que cette idéologie, reprochée à M. X... comme étant celle qu'il professerait, est porteuse pour l'avenir d'un grave risque de réitération de crime contre l'humanité, qu'ainsi le reproche fait à M. X... d'adhérer à cette idéologie, traduit par la formule " fils spirituel d'Hitler ", comporte l'allégation ou l'imputation de faits portant atteinte à l'honneur ou à la considération, et que les propos de M. Y... sont diffamatoires ; » (Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 24 juin 1998, 96-11.905, Publié au bulletin)
S’il n’est bien sûr pas question ici de comparer Balkany à Hitler, le fait est que le Tribunal Correctionnel de DOUAI s’est rangé à l’analyse de la Cour de Cassation en retenant la qualification proposée par mon Cabinet.
A votre disposition.
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