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COVID-19 : Fermeture des parcs, aires de jeux et cimetières, des arrêtés illégaux ?

Le 21 avril 2020
Un maire ne peut décider de fermer ses squares, aires de jeux et cimetières que si cette mesure est proportionnée et justifiée par des circonstances locales. Quelles amendes sont encourues ? Comment s'en défendre ?

En ces temps perturbés par l'épidémie COVID-19, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020. Et avec lui, de très nombreuses règles de droit ont été adaptées à ces circonstances exceptionnelles. 

Une de nos libertés les plus malmenées depuis le 17 mars 2020 à midi est la liberté d'aller et venir puisqu'à cette date a débuté le confinement, dont l'horizon actuel (quoiqu'incertain) est le 11 mai 2020. 

La liberté d'aller et venir est un principe de valeur constitutionnelle, nous rappelle le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 79-107 du 12 juillet 1979. 

Par principe, le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de COVID-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire nous interdit tout déplacement sauf pour certains motifs limitativement énumérés et sur lesquels nous ne reviendrons pas ici (lien vers ce décret, motifs de déplacement listés à l'article 3). La méconnaissance de ces dispositions est punie d'amendes. 

Ce faisant, le Premier Ministre a fait usage de ses pouvoirs de police administrative générale. 

La police administrative est une activité de l'Administration dont la finalité est le maintien de l'ordre public, dont l'une des composantes est la santé publique. 

Le Premier Ministre exerce ses pouvoirs au niveau national comme c'est le cas pour le COVID-19. 

Au niveau local, le Préfet (représentant de l'Etat dans le Département) détient lui aussi un pouvoir de police administrative générale dans sa circonscription (Article L 2215-1 du Code Général des Collectivités Territoriales). 

Enfin, le Maire est également investi d'un pouvoir de police administrative générale dans sa Commune (Articles L 2212-1 et L 2212-2 du même Code). 

Le Conseil d'Etat, par un arrêt du 18 avril 1902 "Commune de Néris-les-Bains" nous dit en substance que si une autorité de police administrative (en l'occurrence le Préfet de l'ALLIER) prend un arrêté réglementant certaines activités (en l'espèce les jeux d'argent) dans l'ensemble de son ressort, l'autorité de police hiérarchiquement inférieure (ici un maire) peut aggraver cette mesure sur son propre ressort si des circonstances locales l'exigent. 

A contrario, cette autorité de police administrative hiérarchiquement inférieure ne peut en aucun cas assouplir une mesure prise à un échelon supérieur. 

Mais il importe de retenir que le durcissement au niveau local d'une mesure prise à un échelon supérieur doit être motivé par des circonstances propres à la localité en question. 

En l'absence de justification locale, la mesure est illégale et encourt la censure du Tribunal Administratif, au besoin en référé, dans les 48 heures (article L 521-2 du Code de Justice Administrative). 

Par ailleurs, il demeure que la liberté est le principe et la restriction l'exception (Art. 5 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 : "La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas."). 

L'exercice de la police administrative conduit nécessairement à attenter aux libertés publiques.

A ce titre, le Conseil d'Etat a dit en 1933 (CE, 19 mai 1933, Benjamin) en substance qu'une mesure de police administrative se doit, pour être légale, d'être proportionnée au trouble à l'ordre public qu'elle a pour but de prévenir. 

Or, en ce triste printemps 2020, sous l'effet de la peur que nos gouvernants et nos médias contribuent à entretenir, de nombreux maires ont pris l'initiative de fermer leurs parcs, leurs aires de jeux ou encore leurs cimetières. 

Et ce, bien souvent, sans motiver leur décision par la moindre circonstance locale (comme ce pourrait être le cas, par exemple, si des rassemblements de plus de 100 personnes y étaient régulièrement constatés, en méconnaissance de l'article 7 du décret précité du 23 mars 2020). 

Or, très récemment, le Juge des référés du Tribunal Administratif de CERGY PONTOISE a eu l'occasion de rappeler ces principes, quoique dans un autre cadre, en l'espèce celui d'un arrêté municipal imposant le port du masque aux personnes de plus de 10 ans lors des sorties autorisées (TA CERGY PONTOISE, 9 avril 2020, n° 2003905) : l'exécution de l'arrêté municipal est suspendue au motif qu'aucune circonstance locale ne justifie pareille mesure. 

Le confinement est suffisamment pénible à supporter pour chacun d'entre nous sans que l'on ajoute des restrictions supplémentaires manifestement non motivées. 

Fermer les parcs, aires de jeux et cimetières, pourquoi pas. Mais cette mesure doit être motivée localement. 

C'est probablement le souci de la proportionnalité qui aura conduit par exemple le Maire de la Commune de MOURMELON pour l'un de ses squares à décider non pas de le fermer purement et simplement mais que les activités devraient se pratiquer individuellement et non à plusieurs et que des distances de sécurité de 2 mètres devraient impérativement être conservées avec toute personne croisée (https://www.mourmelonlegrand.fr/actualites/370-covid-19-fermeture-des-parcs-jardins-communaux-et-des-aires-de-jeux). Reste à savoir si l'arrêté municipal correspondant est justifié par des circonstances locales particulières (nous n’avons pas eu accès à l’arrêté correspondant). 

L'état d'urgence sanitaire n'abroge pas nos libertés fondamentales. Chacun d'entre nous doit les faire respecter en usant des voies de droit prévues à cet effet.

Quid des sanctions pénales ?

Le Code de la Santé publique (article L 3131-15) prévoit qu’en période d’état d'urgence sanitaire, le Premier ministre peut prendre un certain nombre de mesures de police limitativement énumérées pour mettre fin à la menace sanitaire.

En application de ce texte, par le décret n° 2020-293 précité du 23 mars 2020, jusqu’au 11 mai 2020, les déplacements sont limités à des cas limitativement énumérés, les rassemblements de plus de 100 personnes sont interdits, des réquisitions sont rendues possibles, les vols au départ et à destination de La Réunion, Mayotte, (…) sont interdits, etc.

Les manquements à ces mesures de portée nationale sont punissables d’amendes (par application combinée du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, article 3, et du Code de la santé publique, articles L 3131-15 à L 3131-17 et L 3136-1). C’est ainsi qu’à la mi-avril 2020, plus centaines de milliers d’amendes à 135 € ont été infligées pour des manquements aux règles de déplacement (absence d’attestation, déplacement pour un motif non prévu, dépassement du rayon d’1 km pour les sorties de détente, etc.).

L’article L 3136-1 précité prévoit même : « Si les violations prévues au troisième alinéa du présent article sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis de six mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d'intérêt général, selon les modalités prévues à l'article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code, et de la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l'infraction a été commise à l'aide d'un véhicule. »

Le Code de la Santé publique (article L 3131-17) prévoit par ailleurs que le représentant de l’Etat dans le département (le Préfet) peut être habilité par le Premier Ministre à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d'application des dispositions qu’il a prises au niveau national. 

C’est ainsi que le décret précité n° 2020-293 du 23 mars 2020 habilite les Préfets de départements, notamment à limiter les déplacements de manière plus restrictive ou encore à durcir les limitations des rassemblements fixées au niveau national (limite des 100 personnes).

De sorte que les manquements aux restrictions que les Préfets de département pourraient éventuellement prendre en application de ce décret pourraient déboucher sur les amendes et autres peines rappelées ci-dessus.

Mais qu’en est-il des mesures de police (préfectorales ou municipales) restreignant nos libertés en vue de lutter contre le COVID-19 qui ne sont pas prises en application de ce décret ? Pourraient-elles déboucher sur des sanctions pénales, et le cas échéant lesquelles ?

En l’espèce, il ne semble pas que le décret précité n° 2020-293 du 23 mars 2020 interdise l’accès aux aires de jeux, parcs, cimetière ou à quelque autre type de lieu public que ce soit (forêts, plages, rivières, chemins, sentiers, espaces dunaires, etc.).

Le Premier Ministre n’habilite donc pas les Préfets de départements à prendre des mesures de police en ce sens.

Certes, un Préfet ou un maire pourrait toujours le faire si les circonstances locales l’exigeaient.

Mais sachant que le Code pénal dispose notamment :

-       Article 111-3 : « Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement. Nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi, si l'infraction est un crime ou un délit, ou par le règlement, si l'infraction est une contravention. » et

-       Article 111-4 : « La loi pénale est d'interprétation stricte. »,

On en conclut logiquement que les amendes et autres peines prévues à l’article L 3136-1 du Code de Santé Publique ne sont pas applicables.

C’est donc à tort que l’on trouve dans certains arrêtés municipaux la mention suivant laquelle les contrevenants encourront les peines prévues à l’article L 3136-1 précité du Code de la Santé Publique (ou au décret n° 2020-264 du 17 mars 2020 qui réprimait les manquements aux restrictions de sorties au tout début du confinement, avant la loi déclarant l’état d’urgence sanitaire)

N’encourt-on pour autant aucune sanction pénale ?

La réponse se trouve à l’article R 610-5 du Code pénal : « La violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 1re classe. »

Soit une amende de 38 € (article 131-13 du Code pénal).

Quelques arrêtés municipaux le rappellent d’ailleurs parfois, ne serait-ce qu’en visant l’article R 610-5.

On citera enfin à titre d’illustration que l’arrêté du 15 avril 2020 par lequel le Préfet de la LOIRE–ATLANTIQUE a interdit l’accès aux plages, bords de plages, chemins, sentiers, espaces dunaires, forêts et parcs situés sur le littoral dans son département dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 ne vise que cet article R 610-5 du Code pénal, et non pas les peines du Code de la Santé Publique.

Suivant quelle procédure ?

Les amendes prévues notamment en cas de manquement aux règles du confinement ont ceci de dissuasif qu’elles relèvent de la procédure de l’amende forfaitaire, au même titre que les contraventions routières.

Aucun procès n’a lieu, la peine (amende) n’est pas individualisée par un juge, les délais pour contester ou pour payer sont relativement brefs, des majorations sont encourues en cas de retard de paiement, etc.

Pour autant, la contestation est possible. Et si vous pensez, lors d’un déplacement, avoir été verbalisé à tort, faites valoir vos droits en contestant l’infraction. Ce n’est qu’à ce prix que la démocratie et l’Etat de droit peuvent durer. La plupart des contrats d'assurance protection juridique couvrent les frais d'avocat en pareil cas (sous réserve bien entendu que le contrat ait été conclu avant naissance du litige). 

Cependant, les infractions relevant de la procédure de l’amende forfaitaire sont listées par un décret en Conseil d'Etat.

Cette liste est faite par l’article R 48-1 du Code de Procédure pénale.

Or, les contraventions relevant de l’article R 610-5 précité du Code pénal n’en font pas partie.

Conclusions : si vous étiez pris sur une aire de jeux ou dans un parc ou cimetière en méconnaissance d’un arrêté municipal l’accès à l’un de ces lieux, l’agent de police ne pourrait que constater l’infraction et en saisir le procureur de la République qui déciderait le cas échéant de vous renvoyer devant le Tribunal de Police.

Pas d’amende forfaitaire en pareil cas, ce qui est beaucoup plus contraignant pour les services de l’Etat et, oserions-nous dire, moins « lucratif ».

Et s’il s’avère que l’arrêté fondant les poursuites semble illégal (absence de circonstances locales particulières ou encore méconnaissance du principe de proportionnalité), l’un de vos moyens de défense pour demander la relaxe devant le Juge pénal sera de contester la légalité de cet arrêté, celui-ci étant compétent pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité (article 111-5 du Code pénal).

Nul besoin d’intenter un procès en parallèle devant le Tribunal Administratif pour faire annuler l’arrêté. 

La plupart des contrats d'assurance protection juridique couvrent les frais d'avocat en pareil cas (sous réserve bien entendu que le contrat ait été conclu avant naissance du litige). 

Rodolphe PIRET, Avocat à DOUAI, vous conseille de manière personnalisée et étudie avec vous les actions à engager. 

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